Deux américains à Paris
Nous avons assisté aux deux conférences données à Paris par Patrushkha Mierzwa et Mark Ulano. Patrushkha, Première assistante son connue comme l'une des premières perchwoman d'Hollywood et son partenaire dans la vie comme au plateau, Mark Ulano, Chef opérateur du son oscarisé, ont plus d'une centaine de films à leur actif (Titanic, Ad Astra, Once Upon a Time in Hollywood, Kill bill…). Ils ont travaillé avec les plus grands réalisateurs américains : Martin Scorsese, Quentin Tarantino, James Cameron...
L’AFSI a été heureuse d’apporter son soutien à l’organisation de ces rencontres initiées par notre partenaire VdB Audio. Réservée aux étudiants, une première conférence avait également pu avoir lieu à l’école Louis Lumière la veille au soir.
Nous avons respecté leur souhait de ne pas être enregistrés, et à défaut voici un petit compte rendu synthétique.
Storytelling with sound dans la matinée
Dans la salle bien remplie de la CST à Paris, c’est surtout Mark Ulano qui le matin a mené la conférence Storytelling with sound, en anglais dans le texte et dans la salle.
Premièrement Mark nous a gratifié d’une image très parlante avec un tabouret de traite à trois pieds qui ne peut tenir qu’avec ses trois soutiens. Il parlait du son qui se conçoit en trois étapes toutes aussi importantes que nécessaires (la prise de son, le montage et le mixage).
Mais revenant sur ses expériences Mark Ulano a surtout mis l’accent sur l’importance du son et les problèmes relationnels que l’équipe son peut avoir avec les autres équipes de production, du directeur de production au metteur en scène en passant par le DOP ou directeur de la photographie en bon french. Il reconnaît facilement l’ignorance des autres parties et leur incompréhension à l’égard du son. Il note même une dégradation avec les jeunes générations de metteurs.ses en scène.
Là-dessus aussi il fait passer les messages à travers des images parlantes : le son est l’un des interprètes de l’orchestre au même titre que les autres équipes et tous les interprètes doivent jouer la même partition. Il insiste beaucoup sur ce point. Faire un film est un travail collectif au service d’une histoire et de ses personnages. On ne fait pas du son dans son coin, on apporte sa contribution à une oeuvre collective. C’est une façon de dire que notre attachement à bien faire notre travail n’est pas une histoire personnelle.
D’ailleurs, le son est une des briques qui permettent au metteur en scène de construire sa narration au même titre que la lumière, la composition, les décors, les costumes, etc.
Malgré ces difficultés, nous sommes donc sur un plateau pour faire notre travail et faire comprendre l’importance du son. Ce n’est pas une question d’égo et il n’est pas question de réagir avec agressivité, mais il nous a expliqué qu’il savait si besoin se montrer très convaincant. Comme par exemple à un DOP qui lui suggérait d’utiliser des micros HF pour régler le « problème » de la perche dans un plan large tourné simultanément avec un gros plan, il n’a pas hésité à répondre : « je vais considérer ta proposition et je te remercie pour cette suggestion… D’ailleurs moi-même je voulais te parler des projecteurs que tu utilises et j’ai quelques propositions à te faire » Fin de la discussion.
La philosophie de Mark est aussi d’aborder chaque situation comme une première fois. Certes dit-il j’ai déjà tourné des plans larges ou des gros plans, des plans à deux personnages ou 200 figurants, mais le plan que je suis en train de préparer je ne l’ai jamais fait. Il s’efforce donc de rester toujours en situation d’apprentissage plutôt que de celui qui sait déjà.
Un autre point sur lequel le couple insiste beaucoup, c’est la préparation ou pré-production. Il est très important de préparer au maximum le tournage en amont. Ils évoquent bien entendu la lecture du scénario et les discussions avec le metteur en scène pour comprendre comment il veut tourner telle ou telle scène, mais ils ont aussi souligné l’importance des repérages techniques et des lectures techniques avec l’ensemble des chefs de poste.
Tous les deux estiment que cela permet de régler 70% des problèmes avant qu’ils ne surviennent. Même si cette préparation a un coût pour la production, il est bien inférieur aux minutes perdues sur la plateau quand l’équipe technique est au complet avec tous les moyens techniques mis en oeuvre et qu’il faut régler des problèmes qui auraient dû être anticipés.
Concernant les repérages techniques, ils soulignent que l’équipe son n’est pas là pour s’opposer au choix des décors mais pour souligner au reste de l’équipe et en particulier à la mise en scène quelle sera l’influence du décor sur la prise de son en fonction de la scène qui va s’y tourner. De même il peut être judicieux de suggérer des adaptations du plan de travail pour profiter d’une coupure-repas d’un chantier, ou d’une journée sans enfants à coté d’une école.
L’après-midi, Mark est revenu sur un repérage d’un décor à Boston pour le film Le Juge de David Dobkin. Dans l’axe des pistes d’atterrissage de l’aéroport, il a bien signalé l’inconvénient de n’avoir que 15 secondes de silence entre les avions, mais la mise en scène a décidé de passer outre.
Le jour du tournage Robert Duvall s’est interrompu à la troisième prise du premier plan en demandant ce qu’ils faisaient sur ce décor. Non seulement le tournage a dû s’arrêter mais cet incident à été le début de la brouille et de la perte de confiance entre Robert Downey Jr producteur du film et le réalisateur. Un gâchis qui aurait pu être évité.
Master class dans l'après midi
L’après-midi, c’était au tour de Patrushkha de mener la master-class. Plutôt destinée aux jeunes professionnel·le·s, elle a donné de nombreux conseils à leur intention en fonction de ses expériences.
Elle a reconnu et insisté sur le fait que le comportement et la façon d’aborder son travail était un facteur important dans le choix d’un·e assistant·e.
Revenant sur l’importance de la préparation ou pré-production, elle a donné quelques pistes pour réussir à glaner tous les renseignements possibles avant le début du tournage. Il ne faut pas hésiter à solliciter les autres équipes à condition de s’adresser à la bonne personne. En qualité d’assistante son, elle suggère qu’il est plus facile de s’adresser à des personnes hiérarchiquement au même niveau quelle. Même si la personne n’a pas la réponse immédiatement, l’information finira par redescendre.
Sur le tournage et dans la même veine que Mark, Patrushkha tente de désamorcer les situations potentiellement problématiques. Son arme linguistique est de ne surtout jamais évoquer de problème mais plutôt de dire « We have a situation here ». Le but de ce stratagème sémantique est d’éviter que les équipes assimilent automatiquement le son à un… problème.
Elle s’est aussi attardée sur l’équipement des micros HF qu’elle assure sur le plateau, à travers quelques exemples et des photos de tournage de « Once upon a time in Hollywood » de Quentin Tarantino. Elle a évoqué également les risques possibles dans un contexte où le harcèlement sexuel est scruté de près sur les plateaux en particulier au moment d’équiper des enfants. Ne jamais faire d’équipage sans un adulte témoin et toujours bien expliquer ses gestes.
À la suite de ces près de 6 heures de discussion, il a bien fallu mettre un terme à la rencontre. Signe d'une grande complicité, Mark et Patrushkha s’échangent des petits mots pendant la conférence pour se dire d’arrêter de parler ou de passer à autre chose. Cette complicité, certainement née sur les plateaux, nous laisse entr'apercevoir une équipe son bien rodée et efficace.
Au final, il est intéressant de voir que malgré leur impressionnante filmographie estampillée US, Mark Ulano et Patrushkha Mierzwa sont confrontés exactement aux mêmes problématiques que les équipes son françaises.
Peu importe le budget ou les investissements en jeu, nous avons en commun des problèmes de communication, de compréhension et d’appréhension de nos métiers. Nous avons donc les mêmes combats à mener.
Les vraies différences se situent beaucoup plus au niveau des conditions d’emploi qu’ils ont un peu évoqué. Et de ce point de vue là, il faut reconnaître que nous sommes en France très protégés par rapport à nos collègues anglo-saxons, anglais ou américains, grâce à nos conventions collectives.
Le choc des cultures risquent cependant de se produire à travers les productions pour les plate-formes américaines en France. Les méthodes anglo-saxones et les conventions collectives hexagonales ne font pas toujours bon ménage. Surtout quand le client est roi. Le respect de nos règles et de nos conditions de travail est donc à faire respecter sur le sol français. C’était aussi l’un de leurs messages.
Pour aller plus loin, le livre de Patrushkha Mierzwa Behind the Sound Cart : A Veteran's Guide to Sound on the Set est disponible à la vente chez VdB Audio ou en consultation à la bibliothèque de la CST.
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