Danger sur le cinéma français
Que le cadre de la rigueur budgétaire s'applique à l'ensemble des services publics, y compris pour les opérateurs décentralisés, certes. Mais que l'on applique la même toise à tous, sans tenir compte de leur nature est une erreur. Il en va ainsi du Centre national de la cinématographie (CNC), aujourd'hui Centre national du cinéma et de l'image animée. Certains, constatant une forte augmentation de son budget, voudraient aller plus loin soit en reversant une partie de cet accroissement au profit du budget de l'Etat, soit en l'utilisant pour financer un Centre national de la musique, centre dont notre objet n'est pas ici de contester l'utilité.
Nous voudrions attirer l'attention sur le danger que représentent ces tentations. Non au nom de la simple défense d'un organisme que nous avons jadis dirigé et apprécié. Mais parce qu'une telle mesure nous paraît porteuse de menaces pour l'avenir du Centre et, par voie de conséquence, pour la fiction et le cinéma français.
Depuis sa création en 1946, le CNC a été bâti sur un principe simple : faire payertous les spectateurs, quel que soit le film, au profit du seul cinéma français. Ce principe a un effet vertueux que les économistes appellent contre-cyclique : plus le cinéma français va bien, moins le CNC a d'argent à distribuer.
Moins bien il va, plus le CNC est capable de l'aider. Il est frappant de constater qu'à la différence de la politique en faveur de l'audiovisuel par exemple, celle en faveur du cinéma a été constante depuis près de soixante ans. Certes, elle a connu d'importantes adaptations liées aux évolutions du cinéma lui-même mais toujours avec la même philosophie de taxes prélevées en aval dont le produit permet de façon automatique de financer en amont la production et la diffusion des oeuvres françaises. Ainsi, elle a répondu aux défis de chaque temps.
Que l'on songe par exemple à la chute dramatique de la fréquentation des salles dans les années 1970. Surtout, alors que partout en Europe le cinéma s'effondrait, cette politique a garanti l'existence d'un cinéma français diversifié et conquérant, vu chaque année par 30 % à 40 % des spectateurs et permis l'émergence de secteurs internationalement reconnus comme l'animation.
Dans ces conditions, le fait de ne plus affecter intégralement le produit de ces taxes au financement des oeuvres constituerait un précédent plus que dangereux, à courte vue et illégitime :
1 - Dangereux, car il permettrait demain à la loi de finances de se servir de ce financement comme une variable d'ajustement. Le CNC n'est pas là pourthésauriser, mais pour redistribuer. En obscurcissant l'horizon, le législateur changerait gravement la nature de cette redistribution
2 - A courte vue car, pour le cinéma comme pour la fiction française, les défis àvenir sont nombreux. Que l'on songe par exemple au coût que représentent tant la numérisation des salles, que celle des films d'archives. Il ne faut pas être devin pour constater la baisse du revenu des chaînes historiques - non compensé par celui des chaînes de la TNT - qui entraîne une baisse de la valeur de leurs obligations. Demain, la télévision connectée posera des problèmes inextricables qui risquent de remettre en cause le financement par les chaînes ou du moins son niveau.
Chacun se tournera alors vers les pouvoirs publics pour y répondre. Tel le rêve de Joseph, ne gâchons pas les années de vaches grasses et de récoltes abondantes qui seront suivies d'autres, plus difficiles ou pour le dire autrement : ne désarmons pas notre création audiovisuelle au moment de l'ouverture à une concurrence accrue.
3 - Illégitime, et même spoliateur, pour ceux qui acquittent ces taxes avec des contreparties (respect des quotas par exemple).
Nos décideurs qui souvent débattent du rayonnement de la France à l'étranger ne mesurent pas à quel point dans le domaine du cinéma la France est un modèle non seulement envié mais souvent copié. En outre, sans la France, bien des grands noms du cinéma mondial n'existeraient pas. C'est pourquoi les mesures qui menacent le CNC ne sont pas qu'une question de budget. Derrière, c'est un système prestigieux et efficient, qui ne coûte pas un sou à l'Etat et est par nature toujours en équilibre, qu'il faut absolument protéger.
Point de vue | | 18.10.11 | 13h18 • Mis à jour le 18.10.11 | 13h53
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