Atelier : "La personne aux deux personnes" (CR)
Projection de « La personne aux deux personnes » de Nicolas Charlet, Bruno Lavaine le 21 mars 2009 aux audis de Boulogne.
Pourquoi projeter ce film ?
Gilles Gabriel est « tué » dans un accident de voiture causé par Jean-Christian Ranu, comptable à la COGIP. Mais l'esprit de Gilles Gabriel a atterri dans le corps de Ranu, qui ne comprend pas qui est cette personne qui parle dans sa tête.
Comment rendre au cinéma cet effet d'un personnage « dans la tête d'un autre » ?
Cela pose bien sûr la question du traitement de la voix (prise de son, déformations) mais aussi celle de l'utilisation d'effets sonores (audition « de l'intérieur ») et de la technique à utiliser au tournage.
En effet, le comédien qui interprète Jean Christian Ranu (Daniel Auteuil) va devoir jouer en fonction d'une voix supposée en lui ! Le timing du jeu, les regards, les réponses, doivent être aussi naturels que si un comédien lui donnait la réplique... Bref, un beau cas d'école.
L'équipe va nous présenter les questions qu'ils se sont posées et les réponses qu'ils y ont apportées. Un débat s'en suivra en présence de Nicolas et Bruno (les réalisateurs), Michel Casang (chef opérateur son direct), Emmanuel Augeard (monteur son), Thierry Lebon (mixeur).
L'accueil : Croissants, pains aux chocolats, cafés et jus de fruit... Le regret d'avoir dû quitter la couette un samedi aux aurores est vite oublié. Place aux papotages qui rendent l'attente agréable : il a même fallu battre le rappel plusieurs fois pour qu'on rejoigne la salle de projection. La logistique a bien œuvré ! Merci aussi aux audis de Boulogne pour leur accueil.
Posons le problème : Une grande part du film repose sur le dialogue entre Jean-Christian et Gilles. Pourtant les autres personnages du film n'entendent pas Gilles : il va hurler en pleine salle de réunion au milieu de ses collègues qui ne comprendront rien (et penseront qu'il a pété un câble).
Comment aborder le tournage ?
Pour que le dialogue soit réaliste, il faut que Daniel Auteuil entende les répliques d'Alain Chabat (Gilles) et réciproquement. Quelles sont les solutions ?
- Une voix préenregistrée ? Certitude que le jeu s'en ressentira. On peut imaginer le système sur quelques scènes, pas sur la totalité d'un film.
- Faire jouer temporairement le rôle de Gilles par un « comédien témoin » placé à côté de Daniel Auteuil et post-synchroniser entièrement son rôle.
- Le rythme sera-t-il le même que celui d'Alain Chabat ?
- Le jeu de Daniel Auteuil ne risque t-il pas d'être perturbé par un partenaire très différent ?
- Les réactions des « autres » seront-elles les mêmes si ils entendent le dialogue Gilles/Jean-Christian ?
- Pourra-t-on sauver quand même un peu de son direct ?
- Demander à Alain Chabat de jouer son rôle lui-même à côté de Daniel Auteuil.
En plus des 2 dernières remarques qui restent valables, on est à peu près sûrs de devoir refaire la voix d'Alain Chabat (problèmes de raccords, de chevauchements, difficulté d'imaginer un traitement particulier de la voix intérieure...).
Bloquer Alain Chabat 9 semaines alors qu'on ne le verra pratiquement pas à l'image !
Trouver un stratagème pour que les deux comédiens puissent se parler « à distance »
Possibilité de garder le son direct et la voix intérieure (si le fond sonore et l'acoustique le permettent).
Surprise non feinte des partenaires de Daniel Auteuil puisqu'ils n'entendront pas les interventions de Chabat.
Mais système à priori assez lourd : nécessité d'isoler Alain Chabat, oreillette... Le système semble difficile à faire accepter par les comédiens et doit être très discret.
L'autre point à prendre en compte était la nécessité de faire évoluer la voix intérieure au cours du film : au début il ne s'agit que d'une voix sur des plans subjectifs, puis peu à peu elle devient un personnage du film qu'on ne voit jamais et que les partenaires de Jean-Christian n'entendent pas.
Pour ménager le suspense, aucune solution n'est évoquée avant la projection du film en Blue Ray. (une projection du film en 35mm aurait engagé des frais supplémentaires pour l'AFSI).
Et maintenant la projection en blue-ray
Cette projection nous permet d'apprécier qu'un traitement assez important a été appliqué à la voix d'Alain Chabat, surtout au début du film :
Son très enveloppant
Présence de « bruits intérieurs » stylisés (nappes assez charnues et « bullées »)
Déformation d'ambiances et effets du monde « réel » lorsqu'entendus en plans subjectifs.
Alain Chabat étant producteur du film, et les essais du système d'oreillette ayant été plébiscités par les comédiens (ouf !...) c'est... le système de la tente isolée et de l'oreillette qui a été choisi. Michel Casang nous le présente. Il a donc fallu :
Un système de retour son et vidéo
Un micro et une piste d'enregistrement dédiés à Alain Chabat
Une transmission HF pour l'oreillette de Daniel Auteuil
Une tente démontable à volonté
Un technicien pour gérer le tout.
Le procédé fonctionne et même l'équipe se laisse piéger de temps en temps. Quiproquos et malice sont au rendez-vous.
Le traitement de la voix :
Il aurait été imaginable de conserver la voix d'Alain Chabat enregistrée au tournage. Il y avait malgré tous quelques problèmes de raccords à régler, et sur l'ensemble il est apparu que le ton gagnerait à être adouci. Il a été décidé de réenregistrer l'intégralité de lla voix off.
Thierry Lebon avait imaginé d'utiliser un procédé qu'il avait déjà abordé sur Asterix (voix off de Pierre Tchernia ). Afin d'éviter les problèmes de compatibilité SR, et pour donner un sentiment de latéralisation « à l'intérieur » il a proposé une prise de son 4.1 Des photos et des extraits audio nous sont présentés :
écoute de chacun des micros séparément
écoute de l'effet créé pour renforcer cet effet « dans la tête »
écoute des micros s'accumulant un par un et donnant l'effet final.
Le système est empirique et constitué de micros de spécificités différentes
Un micro Neumann M149 pour le centre qui donne la rondeur de la voix.
Deux AKG C 414 cardïoides pour la gauche et la droite, orientés vers la bouche et distants d'environ 40cm. Ils permettent de percevoir les « micros mouvements » de la tête
Un Sony C48 pour l'arrière, placé au dessus de la tête de l'acteur (bosse vers 10kHz).
Un micro omni AKG C460 pour le sub, placé très près de la gorge (on avait imaginé de mettre un micro contact sur la gorge, mais c'était un peu trop contraignant pour l'acteur). Ce micro a été filtré à la prise de son LPF à 150 Hz.
Sur décision des réalisateurs Bruno et Nicolas, et d'Alain Chabat, il a donc été décidé de réenregistrer l'intégralité des voix off avec ce système.
Des tests ont été effectués en studio et l'emplacement de chacun des micros a été étudié, d'une part pour obtenir le résultat qu'on avait imagine, mais aussi pour que le 5+1 reste absolument compatible avec le mixage SR. Eric Chevallier a réalisé ces enregistrements en 2 sessions (une à Merjhitur l'autre à Cinephase).
Thierry précise que dans le film, ce système d'enregistrement 4+1 a été surtout exploité au début du film, quand le son accompagne une image subjective. Puis, au long du récit, puisque la voix off intervient aussi sur des plans de Daniel (écrture cinématographique) le son de la voix off d'Alain devient de plus en plus centrée et quasi naturelle. Il raconte également la recherche d'un effet qui puisse ajouter de l'étrangeté à la voix et la rendre encore plus intérieure :
« On est passé par toutes les rooms du monde, on a même pensé a mettre un HP dans un casque de moto et réenregistrer l'effet obtenu, jusqu'à aller chez le boucher du coin, lui demander une tête de mouton....... On a finalement choisi un chorus flange issu d' un H3000. (les garçons aiment bien le vintage, si vous avez remarqué !) »
Montage son
Emmanuel Augeard nous expose sa démarche. En particulier il nous raconte la difficulté de s'éloigner d'une vision « intellectualisée » pour trouver des sons qui seront lisibles pour le spectateur. Dés le début, il fallait marquer les plans subjectifs que la prise de son de voix off ne pouvait rendre seule.
Recherche de sons additionnels sur le thème du larsen
Filtrages et transformations des sons extérieurs
Passage d'un son à un autre sur une même idée pour souligner la transition ext/int (sirène, camion...)
Ajout de bruitages « organiques » (Philippe Penot) : bruitages de mâchoires enregistrés en « contact »
Différents extraits significatifs nous sont proposés à l'écoute. La relation avec le musicien est également évoquée.
Débat
Parmi plusieurs thèmes évoqués, il y en a un qui a été entrouvert : la complexité croissante des systèmes de prise de son sur le tournage (plusieurs HF et multipistes nécessaires à cause de multi caméra systématiques) engendre une lourdeur difficile à gérer à tous les niveaux :
sur le tournage énergie considérable dépensée au détriment de la qualité,
au montage complexité accrue du montage des directs,
au mixage temps perdu.
Il semble clair qu'une réflexion approfondie sur le sujet sera souhaitable.
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