Test de la liaison HF numérique Audio Limited 1010
En conditions réelles sur deux tournages de fiction.
Interdiction de la bande des 700 MHz, plan de fréquence de plus en plus difficile, perturbations HF récurrentes, autant de raisons qui m’ont poussé après les avoir entendu à essayé de remplacer mes anciens DX 2020 par les tous nouveaux Audio Limited numériques 1010.
Deux liaisons 1010 ont donc intégré mon parc de matériel avec des Audio 2020, un EN2 et des Sennheiser 5212 de location. Ils sont destinés principalement à faire la liaison entre les deux perches et mon enregistreur, à priori un Cantar X3.
Cet article intègre des modifications à la suite de mon deuxième tournage en septembre 2016.
1) Descriptif matériel
L’émetteur
Plus gros qu’un émetteur mini, mais plus petit qu’un TX 2020/2040, l’émetteur 1010 s’alimente avec deux piles bâtons de type LR6. La mise sous tension se fait par un interrupteur protégé par le clapet du compartiment à piles. A l’intérieur de ce compartiment on peut loger une carte micro SD pour enregistrer si besoin. Sur le dessus de l’émetteur, il y a les connectiques pour l’antenne SMA et la Lémo 3 pour l’audio. L’ensemble est en aluminium noir. Il est livré avec une petite sacoche tissu siglée Audio Limited.
Au niveau de l’entrée audio la prise Lémo 3 est compatible avec les anciens émetteurs mini, les 5212 de Sennheiser, les Zaxcom et les Wisycom. D’autre part avec le même câble Lémo/XLR 3 on connecte indifféremment un niveau ligne ou micro.
Un écran et trois boutons permettent de naviguer dans les menus. Assez riches et intuitifs, on navigue facilement dans les différents menus avec des icônes. De toute façon le fabricant n’a pas juger nécessaire de fournir de mode d’emploi. Pour les connaisseurs de la version EN2, c’est le même type de menu appliqué au 1010. Et adieu à la télécommande de la série des 2040.
L’écran d’accueil indique le canal et la fréquence, le niveau de batterie, le niveau d’entrée de l’émetteur et son niveau RF, le témoin du bluetooth et un précieux témoin de niveau audio entrant. Au dessus de l’écran deux fines LED indiquent la mise sous tension de l’émetteur - en bleu - et la saturation - en rouge.
Le bouton central permet d’accéder au menu. Les deux boutons latéraux permettent de naviguer dans les menus, mais aussi un accès direct au nom de l’émetteur à gauche et à l’enregistreur à droite.
• Dimensions : 83 x 64 x 18 mm
• Masse : 171 gr (émetteur + 2 batteries NiMh) contre 146 gr pour le 2020 (émetteur + batterie iPower Li-Po).
Sur la photo comparaison de la masse totale de l'équipage complet sur la perche.
• Filtres : Plat, 50 Hz, 80 Hz, 120 Hz et 200 Hz
• Entrée : Lémo 3, Niveau ligne (0 ; 1) / micro. (2 à 9)
• Réponse en fréquences : 40Hz à 20 KHz (à 0 dB)
• Plage dynamique : environ 105dB
Le récepteur :
Dans un boité aluminium noir de même facture que l’émetteur, le récepteur est assez fin et court. Sur le talon sortent deux câbles. L’un pour la modulation en XLR analogique ou numérique et l’autre pour l’alimentation externe en Hirose. Il n’y a pas d’alimentation interne. Il est possible de remplacer ces sorties par un talon sub-D 25 compatible avec le SL-6 de SoundDevice, l’Octopack de Lectrosonics ou certaines caméras. Le 1010 pourra donc facilement travailler en parallèle avec des HF d’autres fabricants. Lors de mon deuxième tournage un Octopack Lectrosonic accueillait deux récepteurs Wysicom et les deux récepteurs 1010.
Sur le dessus on retrouve un écran incliné à 45° et trois boutons pour naviguer dans les menus. De chaque coté de l’écran on retrouve six petites LED. Les deux antennes de réception se connectent en SMA.
L’écran d’accueil indique le niveau de réception sur chaque antenne, le niveau audio entrant ainsi que le niveau de batterie de l’émetteur. On trouve aussi le canal et la fréquence de réception, ainsi que le niveau de sortie sélectionné ou la mention AES en numérique.
Coté LED, la petite bleue est témoin de mise sous tension, deux LED orange sont pour les antennes et deux LED rouges pour les niveaux de réception RF.
• Dimensions : 124 x 68 x 18 mm,
• Masse : 260 gr (récepteur/antennes + talon câbles) contre 361 gr pour le 2020 (récepteur/antennes + câbles ).
• Largeur de bande > 100 MHz
• Sortie : XLR analogique/ AES - Sub-D 25
• Antenne : SMA
• Réponse en fréquences : 40Hz à 20 KHz (à 0 dB)
• Plage dynamique : environ 105dB
L’application iPhone
Extrêmement simple, voire basique, l’application détecte via le bluetooth type 4.0 les émetteurs allumés. On peut changer le nom de ceux-ci, le niveau de l’émetteur, le coupe-bas et la mise en veille. L’application renseigne aussi sur le niveau de batterie.
Avant de pouvoir s’en servir il faut avoir, comme pour toute liaison bluetooth, configurer l’émetteur et inviter le téléphone et l’émetteur à « dialoguer ». Une fois cette étape réalisée, il suffit de se rapprocher des émetteurs pour les voir apparaître dans l’application.
En pratique la portée n’est évidement pas énorme (2m environ) et on ne peut pas compter sur cette application pour intervenir dans l’urgence depuis sa roulante. En effet la détection des émetteurs n’est pas immédiate. Pour autant, surtout pour les émetteurs installés sur les comédiens, on se prendra au jeu de régler l’émetteur entre deux répétitions. Enfin si vous avez la chance d’en faire !
On peut aussi regretter l'impossibilité de déclencher l’enregistrement. Mais une prochaine version va implémenter cette fonction et d’autres encore.
Coté HF
Finalement c’est un peu pour ça qu’on s’en sert, alors explorons donc la partie HF !
La largeur de bande est de 100 MHz et il existe trois plans de fréquence [470 / 548 MHz (Plan A); 518 / 608 MHz (Plan B); 594 / 694 MHz (Plan C)]. C’est ici que l’avantage du numérique apparaît clairement, car on peut oublier les problèmes d’intermodulation et mettre plusieurs émetteurs très proches en fréquence. Cela permet de régler plus facilement ces fréquences dans les trous de souris de plus en plus petit que nous laisse la TNT.
Si jamais un doute s’installe, ou si on rencontre des problèmes malgré un plan de fréquence très étudié, le récepteur est équipé d’un scanner qui permet de regarder tout ou partie de la largeur de bande. Très lisible, le scan a été mis à jour récemment et permet de voir son environement et de choisir une fréquence exploitable.
Evidement, il n’est pas nécessaire de le préciser, mais quand même, le 1010 à une réception « diversity ».
Quant à la portée, elle est donnée pour être meilleure qu’avec les versions analogiques, particulièrement dans le cas d’une multitude d’émetteur. Difficile à vérifier en tournage. En tout état de cause, le 1010 se comporte comme une liaison analogique. Si jamais le récepteur perd son émetteur, il le récupère très vite sans aucune intervention de la part de l’utilisateur. Pas besoin de « re-boot » ou autre redémarrage.
2) Utilisation in vivo
Après avoir fait le tour du propriétaire, je vais vous parler ici de ma première expérience grandeur nature sur un tournage d’un téléfilm sur Paris et la région parisienne pendant quatre semaines.
La configuration
Les deux 1010 sont sur le plan C (594 / 694 MHz) et se mélangent à deux anciens 2020, un EN2 et deux Sennheiser 5212. Tous les récepteurs - Audio Limited 1010, Audio Limited 2020 et Wysicom - sont reliés directement au Cantar X3 en entrée micro (Audio Limited) ou ligne (Wysicom).
Quel mélange me direz-vous. Et la phase dans tout ça ? Et bien nous avons pris le temps chez Tapages pendant une demi journée d’affiner les délais au mieux. Nous avons envoyés un signal de 1000 Hz sur une mixette puis nous l’avons injecté dans tous les types d’émetteur possible. Il en ressort que le 1010 a un délai proche de celui indiqué par le fabricant. En prenant le 2020 comme référence (parce c’est le premier à l’arrivée de la transmission), nous avons trouvé un délai de 1,6 ms au lieu de 1,8 ms annoncé. C’est inférieur au délai constaté avec les émetteurs 5212/récepteurs Wysicom dont le délai s’établit à 2,2 ms en sortie analogique. Autant dire qu’avec le 1010 le délai de conversion reste raisonnable et maitrisable dans l’enregistreur. Merci à Pierre Bezard de Tapages pour son aide.
Installés sur les deux perches, les émetteurs sont connectés aux micros - Schoeps CMIT, CMC ou CCM - via une alimentation VdB maison C48V-DSLR. Cette alimentation ce clip directement sur la perche VdB puis on y accroche l’émetteur. Si vous avez opté pour une Ambient, le diamètre différent posera peut-être problème. Par contre, bonne nouvelle cette alimentation permet aussi d’entrer en niveau ligne. D’autres alimentations existent, mais j’en ai essayé une chez Tapages qui n’était pas compatible. Mieux vaut donc vérifier avant de se lancer.
Pour le niveau d’entrée, les émetteurs sont calés sur le niveau 5, mais on navigue suivant les situations entre 4 et 6. Je n’enclenche ni les coupe-bas (possiblement à 50, 80, 120, et 200Hz), ni les limiteurs. Au départ il a fallu faire un choix drastique de micro car les émetteurs pouvaient perturbés le blindage des micros trop anciens. Aujourd’hui ce problème est réglé et le 1010 est compatible avec toutes les générations de micros.
Coté alimentation, j’ai opté pour des piles rechargeables LR6 NiMh. C’est un choix qu’il faut valider dans le menu. Pour l’alimentation 48V une batterie rechargeable 9V fait l’affaire. Sur une journée nous utilisons 4 batteries LR 6, mais j’ai préféré prendre une marge et nous avons trois paires de batteries si besoin. Coté 9V la batterie est bien moins sollicitée que sur un 2020 et dure facilement la journée. Pour économiser l’énergie nous avons enclenché l’extinction de l’écran LCD ainsi que de la LED bleu. Ça évite en plus des problèmes éventuels de reflets.
La modulation sort du récepteur en analogique (je parlerai des essais en AES plus loin) et pour un niveau d’entrée à 5, j’ai calé le récepteur à -15 dB. Sur le Cantar le 1010 entre en niveau micro Hight Level. C’est le meilleur compromis que nous ayons trouvé avec mon assistante y compris au niveau du rapport signal/bruit, mais tout cela dépend aussi de vos habitudes de travail. Les réglages sur le récepteur se font par pas de 1 dB avec 4 paliers directement accessibles : 0 dB, -12 dB, -24 dB et -32 dB, pour une atténuation max de 47 dB. Autant dire qu’on connecte le récepteur aussi bien en niveau ligne qu’en niveau micro. Pour plus de précision il est possible de générer un 1000 Hz directement via l’émetteur et de caler toute sa chaîne en fonction. Un sacré gain de temps et une précisions absolue.
Sur l’émetteur nous n’avons pas enclenché le limiteur. Par contre j’ai constaté que si celui-ci est en service, la modulation est réduite d’emblée de 6 dB. Il agit donc plutôt comme un atténuateur et n’est pas aussi satisfaisant que sur les versions analogiques. Attention donc à l’emploi de celui-ci. D’autant que comme les anglais roulent à gauche, ils vous demande de régler le limiteur sur OFF pour l’enclencher !
Pour les antennes, si mes récepteurs analogiques sont reliés à des splitter de Tapages et deux antennes directive/omni, les deux 1010 sont restés avec leurs antennes fouets. Les essais avec les splitter ne semblaient pas fonctionner et je n’ai pas eu le temps de pousser plus loin les investigations. En revanche pour le deuxième tournage, les 1010 ont parfaitement fonctionné avec l’Octopack.
A l’usage
Au début je pensais que le changement serait transparent au niveau de ma façon de moduler et que le gain concernerait surtout les problèmes de HF.
A l’usage je me suis rendu compte que c’était plutôt le contraire. Coté audio, la dynamique et les niveaux sont bien supérieurs à une perche sur HF analogique et il a fallu que je m’adapte. Et ce d’autant plus que je n’enclenche pas le limiteur sur l’émetteur.
Alors que coté HF, il est probable que le numérique ne soit pas le nirvana que nous espérons. Certes les problèmes de perturbation et d’intermodulation sont bien circonscrits, mais les HF numériques restent des liaisons HF avec les problèmes inhérents. J’ai d’ailleurs parfois constatés des « plops » plus ou moins forts liés à la liaison HF sur certaines prises. Et il n’y a pas de gain particulier au niveau de la portée.
Ce qui m’a donc surtout séduit sur le 1010 et c’est pour moi l’essentiel, c’est la qualité du son. La liaison est pour ainsi dire claire et transparente et on constate, y compris auprès d’oreilles moins affinées, un vrai saut qualitatif. Non seulement le son est meilleur mais la dynamique est aussi bien supérieure. Certes me direz-vous, mais alors pourquoi ne pas mettre un câble ? Parce que votre perchman garde une liberté de mouvement incomparable, mais aussi, même sur un Cantar X3, parce que vous aurez un gain supérieur à un micro câblé. A vous de choisir.
Si vous êtes allergique de façon irréversible à une perche en liaison HF, ne mettez pas votre santé en jeu. Il vous reste la possibilité de connecter un micro «cravate» sur l’émetteur. Etant donné la qualité du micro le gain qualitatif sera certes moins spectaculaire, mais la plage dynamique disponible compensera cet état de fait. Au final, les variations de niveau de la voix et les coup de gueule passeront nettement mieux. En revanche avec le numérique les émetteurs ont tendance à chauffer plus. Pour remédier à cela je réduis le niveau d’émission de l'émetteur à moitié en position «mid». J’ai pu constaté que le boitier ne chauffe alors pas plus qu’un analogique et je n’ai eu aucun problème de décrochage sur le tournage.
Utilisation de l’AES
Qui dit numérique, dit aussi AES. Dans l’idéal il faudrait donc utiliser la sortie AES du récepteur.
C’est d’ailleurs extrêmement simple puisqu’il suffit de sélectionner celle-ci dans le menu du récepteur et d’utiliser la même sortie XLR.
Malheureusement en le faisant vous constaterez que votre enregistreur préféré n’est pas encore adapté à l’AES. Certes la modulation rentre, mais l’entrée numérique n’est pas utilisable comme les entrées micros analogiques. Tout d’abord j’ai trouvé que la modulation moyenne était trop faible. J’ai donc poussé le gain possible au max (seulement +12 dB sur le CantarX3). Mais alors dès que votre source sort de la moyenne pour monter un peu, la saturation vous guette très vite sans que vous ayez le temps de réagir. Il est trop tard et vous vous mordez les doigts d’avoir choisi l’AES. Il n’y a pas de limiteur sur la machine pour venir vous sauver.
Le problème ne vient donc pas des récepteurs, mais des enregistreurs qui ne sont pas encore adaptés à ces matériels. Il faudrait un canal AES avec un limiteur et un gain comparable à ce que nous connaissons en analogique pour espérer exploiter ces récepteurs avec leurs sorties AES. Comme si l’entrée AES n’avait été conçue que pour une liaison mélangeur/enregistreur.
En discutant avec François De Morant, utilisateur éphémère des micros numériques, nous avons constatés que nous avions eu le même ressenti de ce point de vue là. Lui avec des micros numériques, moi avec les liaisons numériques.
Il faudra donc attendre encore un peu pour l’AES !
Pour finir.
Globalement cet essai est très positif. Certes comme tout matériel, celui-ci n’est pas parfait, mais les changements qu’il apporte sont très positifs et dorénavant les mises à jour logiciel peuvent encore faire évoluer ce HF. Bref, je ne regrette pas cet investissement. Ouf !!!!!
Début 2017 on verra arriver à la vente le récepteur double promis dans le même encombrement. A découvrir prochainement dans les salons et autres expositions professionnelles.
Enfin merci à Cyril Chaigne et VdB pour le suivi de mes premiers pas en 1010.
Pour vous faire une idée, je vous invite à écouter les différents fichiers que nous avons enregistrés (sur le site uniquement, et en ligne, dès que possible).
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