Le déconfinement, comment ça va se passer?
Pour l'instant, comme aurait dit Socrate, tout ce que l'on sait c'est que l'on ne sait rien, tandis que les autres croient savoir ce qu'ils ne savent pas...
Certes les choses devraient s'éclairer un peu au rythme des tatônnements actuels pour que le 11 Mai on sache un peu ce qu'il va se passer pour la population, que ce soit en terme de reprise du travail, de réouverture des magasins et de réouverture des établissement scolaires, mais pour les tournages et la post production, quid?
On imagine que le protocole de déconfinement sera moins difficile à respecter en post-production où les gestes barrières semblent plus faciles à appliquer mais quand y aura-t-il de nouveau la possibilité d'avoir des autorisations de tournage? Quand les assurances accepteront-elles de couvrir le risque Covid? Pas dès le 11 mai, c'est à peu près sûr, mais quand? Sur le sujet la table ronde organisée le 10 avril par le film français (Replay en accès libre) a eu le mérite de rendre publique une discussion entre la plupart des parties prenantes plutôt instructive.
Et quand on aura de nouveau la possibilité de recommencer à tourner, à grand renfort de tests,de présence médicale, de gestes barrières et de réduction d'effectifs, comment les équipes son vont-elles adapter leur façon de travailler?
Les CCHSCT (comités central d'hygiène,de sécurité et des conditions de travail) du cinéma et de l'audiovisuel ont décidé de s'associer et de produire ensemble un guide, un socle commun des mesures minimales à appliquer pour envisager la reprise d’activité dans le contexte de l’épidémie de COVID 19. Dans ce cadre la CST est sollicitée et s'est tournée vers les associations de techniciens pour les inviter à réfléchir aux questions que leur paraît poser la reprise d'activité dans leur domaine, et aux précautions qu'il faudrait prendre (gestes, process...) pour travailler en sécurité et se garantir les uns les autres. L'Afsi y prendra naturellement toute sa part.
On peut aussi consulter cet article (en anglais) du site deadline sur la façon dont est envisagée la reprise de l'activité à Hollywood ainsi que cet article du site african manager sur la reprise des tournages en Tunisie.
De son côté François Boudet, chef opérateur du son et nouveau membre de l'Afsi, a commencé à réfléchir à comment adapter nos métiers aux précautions à prendre une fois que les tournages reprendront. Il accepté de partager avec l'Afsi l'état de ses réflexions (qui ne sont pas forcément celle de l'Afsi et de ses membres), et nous l'en remercions vivement. (Attention,ce ne sont que des réflexions et projections qui ne sont pas forcément amenées à devenir des recommandations):
Réflexions sur la prise de son en fiction pendant la crise sanitaire liée au Covid-19
Le souci premier pour la reprise des tournages sera la sécurité sanitaire des équipes. Un plateau est un tel lieu de promiscuité que les gestes barrière seront compliqués à appliquer, mais il faudra pourtant s'y résoudre, avec un traitement à part pour les acteurs et actrices, qui ne peuvent porter de masques ou jouer sans se parler à proximité. Les autorités compétentes, le CHSCT, CST, syndicats, assureurs vont sûrement nous proposer des mesures, ou au moins un cadre de travail, nous demandant par exemple d'avoir recours à des tests, des équipes réduites et le moins de personnes possible à la face, la présence d'un médecin sur le plateau, la prise de température le matin, supprimer les scènes avec beaucoup de figuration... Mais chaque métier du plateau devra aussi trouver des solutions pour continuer à travailler en minimisant les risques de contamination, avec une attention toute particulière aux acteur.rice.s, irremplaçables une fois le film commencé. J'imagine que les assureurs et donc les producteur.rice.s vont assez vite se tourner vers les différents corps de métier pour leur demander : comment allez-vous travailler maintenant ? Nous entamons ici la réflexion pour nos métiers de la prise de son au cinéma.
Il y a des risques qui sont les mêmes partout, dans tous les métiers du plateau, essentiellement la transmission du virus par micro-gouttelettes passant par voie aérienne ou par le toucher. Il faudra de toute évidence aérer les espaces aussi souvent que possible, porter un masque, et en changer selon les recommandations en vigueur. Se tenir toujours à plus d'un mètre les uns des autres. Il faudra aussi se laver les mains avec du gel hydroalcoolique aussi souvent que nécessaire.
I - Quels sont les risques spécifiques au son ? Quelles solutions ?
Notre métier utilise des outils spécifiques qui peuvent poser problème car il sont à l'interface avec d'autres personnes : la perche, les micros cravate et leurs accessoires, les boîtiers de retour son et casques d'écoute pour l'équipe, les câbles, les moquettes, le matériel partagé avec d'autres corps de métier (bras magiques, échelles, écran + récepteur video, etc...
1 – La perche
- a - Risques liés à l'utilisation de la perche
Lorsqu'on approche la perche de l'acteur.rice qui parle, à partir d'une certaine distance, le micro sur la perche, sa mousse ou sa bonnette, sa suspension et même le bout de la perche risquent de recevoir des micro-gouttelettes.
Il faudrait connaître l'ordre de grandeur de cette distance lorsqu'on perche par au-dessus, selon le port de la voix. Même chose lorsqu'on perche par en-dessous.
Je me demande aussi si il existe un risque que les micro-gouttelettes s'échappent de la perche lors de la manipulation au dessus des acteurs. A priori je ne pense pas, si les mouvements ne sont pas trop brusques, mais peut-être qu'il faut aussi envisager cette hypothèse...
- b - Pistes pour minimiser les risques liés à l'utilisation de la perche
Les journalistes News appliquent parfois un sac plastique autour de leur micro, et, en changeant le plastique à chaque utilisation, c'est certainement la meilleure des protections. Notons que le fabricant Schoeps préconise le recours à cette mesure drastique pour une utilisation en toute sécurité de ses micros. Mais on perd beaucoup en qualité et c'est complètement inutilisable dès qu'on s'éloigne de la bouche. Cette solution pourrait être utilisée lorsqu'on est très près de la bouche (micros dynamiques ou voix off par exemple).
Dans tous les cas, il me semble qu'en utilisation classique de fiction, la perche (désignant ici l'ensemble micro sur la perche, sa mousse ou bonnette, la suspension et le bout de la perche) sera assez vite souillée par des micros-gouttelettes. La désinfection à l'alcool est impossible pour ces éléments sur le plateau, car corrosif et dangereux pour le matériel. Peut-être que des solutions de désinfection peuvent être mises au point : spray de solution désinfectante, boîte de désinfection à UV(cf. II). Mais dans l'état actuel et en l'absence de nouvelle solution, l'ensemble perche-micro- boîtier-cable-suspension devra être considéré comme souillé, et sa manipulation devra faire l'objet de toutes les précautions : gel hydroalcoolique, gants, rangement spécifique.
Il faudra aussi éviter des mouvement trop brusques pour empêcher que des micro-gouttelettes ne « s'échappent » de la mousse du micro ou de la perche et soient disséminées dans l'air.
Il faudra peut-être utiliser en priorité la perche HF, afin d'éviter la manipulation des câbles qui sont au sol, et donc vecteurs possibles du virus.
Ensuite, au sein de l'équipe son, il sera important de définir qui manipule quoi. De même que l'ingénieur.e du son devra être le.la seul.e à manipuler la roulante, l'enregistreur etc, l'assistant.e son devra être le.la seul à manipuler sa perche et ses accessoires (pied de perche, retour casque,...).
Il faudra de toute évidence discuter avec les fabricants de bonnettes (Cinela et Rycote notamment) pour réfléchir à comment désinfecter leur matériel, sur place ou après la journée. Et pourquoi pas réfléchir à des solutions ensemble (j'imagine une COSI de Cinela sans poils, autour de laquelle on pourrait poser des tissus interchangeables et lavables en machine à 60° par exemple).
2 – Les HF
- a – Risques liés à l'utilisation des HF
Lors de l'installation (et de la désinstallation) d'un micro cravate, nous sommes au plus proche de l'acteur ou l'actrice, le matériel embarqué touche parfois la peau, l'installation réclame de la proximité physique qui présente un risque. Cette installation est souvent faite sous la pression du temps et des équipes mise en scène.
Le micro lui-même (la capsule) peut être touché par des micro-goutelettes qui présenteront un risque lors de sa manipulation ou de l'installation sur un.e autre acteur.trice.
- b - Pistes pour minimiser les risques liés à l'utilisation des HF
Une piste radicale consiste à limiter l'usage des HF. Parfois on installe les HF par sécurité, pour éviter d'avoir à le faire après la répétition, pour récupérer des basses, ou pour éviter de « perdre » une réplique à la perche. On peut peut-être s'appliquer à limiter leur utilisation.
Et quand l'usage des HF sera nécessaire, la pose prendra certainement un peu plus de temps qu'avant. En préparation d'un tournage, je pense qu'il est indispensable de discuter avec la mise en scène et les acteurs d'un protocole de pose pour respecter au mieux les gestes barrière. Et il faudra que l'acteur.rice soit entièrement disponible au moment de la pose, plus question de faire cela entre deux portes à la va-vite.
Voici quelques idées pour minimiser les risques lors de l'utilisation des HF :
– Essayer de conserver le même micro sur un.e comédien.ne pour la journée afin d'éviter les manipulations, et expliquer cette stratégie aux acteur.rice.s et à l'équipe costume.
– Concernant les comédiens principaux, il faut que ce soit toujours la même personne de l'équipe son qui s'en occupe.
– Lors de la pose, l'acteur.rice et le.la technicien.ne doivent porter un masque et s'éloigner pour se parler. Le.la technicien.ne devra se désinfecter les mains avec une solution hydroalcoolique devant l’acteur.rice. Si il y a des loges, il faut un point de désinfection, au moins des mains, avant d'entrer dans ce lieu « sensible ».
– L'ingénieur.e du son devra expliquer clairement à l'acteur.rice et l'équipe costume si besoin comment va se dérouler la pose, afin d'éviter les erreurs et manipulations inutiles.
– Quand cela est possible, essayer d'avoir la validation du costume assez tôt pour fixer le HF dans le costume, sans l'acteur.rice. Sinon essayer d'expliquer à l'acteur.rice comment fixer l'ensemble tout.e seul.e.
– On pourrait imaginer que les rôles principaux aient leur propres capsules et accessoires attitrés et marqués (coque, ceinture, pince, protection anti-vent...).
– Pour fixer la capsule, il faut faire en sorte que la grille ne soit pas à portée de postillon, donc cachée sous un tissus du vêtement, ou systématiser l’utilisation d'accessoires de pose de type Undercover/Overcover (Rycote) ou encore plaques de protection, coques plastiques,...
– Tout comme la pose du HF, sa dépose doit être faite au calme et opérée exclusivement par l'acteur.rice ou une personne de l'équipe son. Si l'acteur.rice désinstalle lui.elle-même l'équipement, il faut prévoir des petits sacs plastiques jetables dans les loges pour y ranger le matériel. L'équipe son devra passer les câbles, les accessoires et les boîtiers HF aux lingettes désinfectantes (ou toute autre solution plus écologique ou recommandée) avant de les ranger. Mettre dans un contenant à part ce qui ne peut pas être désinfecté sur le champ (ceinture humide, capsule HF ayant pu recevoir des postillons, accessoire de type mousse ou poils exposés). Se désinfecter les mains après toute manipulation de ce matériel bien sûr. Ou utiliser des gants. Ne pas réutiliser un micro cravate qui a pu recevoir des postillons sans être désinfecté.
– A l'issue de la journée de travail, sur le plateau, à l'hôtel, ou chez soi, il va falloir désinfecter tout le matériel qui n'a pas pu l'être sur le plateau. Les capsules HF qu'on aura estimées exposées aux postillons, et mises à part dans un contenant spécifique à la dépose, en feront partie. Il faudra alors désinfecter la tête selon les spécificités du fabricant. Par exemple, DPA conseille de passer la tête du micro cravate dans un petit bain d'eau déminéralisée et de laisser sécher la nuit, mais je ne suis pas sûr que cela suffise à désinfecter. Idéalement laver les ceintures à la machine si elles risquent d'être portées par d'autres acteurs.rices le lendemain. Les poils ou mousses souillés devront être laissés au moins 72h de côté avant de pouvoir être réutilisés. Si une solution à base de lampe UV existe, elle pourrait être très intéressante pour la désinfection des HF.
3 – Les casques équipe et retours son
- a – Risques liés à la manipulation des casques et retours son
Les casques et retours son passent habituellement de main en main, et se retrouvent parfois sur le plateau dans des endroits divers et variés. Cela représente un risque de contamination.
- b – Pistes pour minimiser les risques liés à la manipulation des retours son
Toujours la même idée, essayer de limiter les manipulations au maximum et désinfecter dès qu'on échange du matériel en main propre. Voici donc quelques pistes :
– Limiter leur nombre au maximum
– Essayer, dans la mesure du possible, de donner toujours le même équipement à une
personne. Il faut donc marquer les retours et casques avec des numéros ou des noms.
– On peut imaginer que les personnes qui en utilisent souvent (réalisateur.trice, scripte, assistant.e mise en scène, camera, combo) gardent le matériel avec eux pendant tout le tournage.
– Lorsqu'on donne ou qu'on récupère un casque, un retour ou des piles pour le boîtier, il faut systématiquement désinfecter le matériel avec des lingettes ou autre.
4 – Les câbles
Les câbles sont au sol en général, et ils sont donc très exposés, en intérieur comme en extérieur. On les manipule très souvent. Il est évident qu'il faudra mettre des gants ou se désinfecter les mains à chaque fois qu'on les manipule. Désinfecter le câble lui-même après une utilisation en extérieur sera certainement indispensable.
On peut aussi imaginer travailler plus souvent en HF pour la perche et les appoints, afin de limiter les manipulations de câbles.
5 – Les moquettes
Il faudra certainement limiter leur usage au strict minimum. Il sera indispensable de les manipuler avec des gants.
6 – Le matériel en commun
Lorsqu'on emprunte du matériel à d'autres personnes, il est important qu'on se passe les mains au gel hydroalcoolique avant et après utilisation. Le matériel prêté par l'équipe camera, et notamment les écrans, devra si possible rester en notre possession pour éviter qu'il ne passe trop souvent de mains en mains. La surface des écrans, car on respire souvent juste devant, est une surface assez critique à priori, il est important de la désinfecter régulièrement.
II – Solutions de désinfection du matériel
Il est indispensable de réfléchir aux moyens efficaces et réalistes de désinfecter le matériel régulièrement.
Ce que l'on sait efficace :
– eau de Javel : il me semble que pas grand chose ne soit nettoyable à l'eau de Javel dans notre matériel, mais on peut l'utiliser pour désinfecter le camion, les étagères.
– alcool à plus de 70° : certains éléments peuvent peut-être se désinfecter à l'alcool, mais il faut toujours vérifier avec le fabricant.
– lingettes désinfectantes : idem alcool, mais souvent moins corrosif, donc peut être adapté pour les surfaces de type caisses, roulante etc...
Ce qu'il faut creuser :
– Il faut se renseigner sur l'efficacité possible des UV pour désinfecter le matériel. Il existe des lampes vendues pour désinfecter les surfaces. Il semblerait que ce soit utilisé pour désinfecter les bus par exemple. Et il existe aussi des boîtes désinfectantes à UV pour les petits objets (smartphones, casques, matériel médical...) mais je n'ai aucune idée de l'efficacité d'un tel dispositif. Son usage me semble assez idéal pour désinfecter micros, HF, boitier, petits câbles, sous réserve des recommandations des fabricants.
– Désinfectant sous forme de spray pour les objets de contour difficile (bras magique etc...)
– Je pense qu'il faut contacter les fabricants de bonnettes Cinela et Rycote, ils auront sûrement
des idées sur la désinfection de leur matériel et peut-être même sur la protection des micros.
III – Constitution des équipes
Les productions vont très certainement demander à tous les corps de métier de travailler avec une équipe la plus réduite possible. Il est même possible que des productions fassent le choix de la post-synchronisation pour limiter encore les équipes au tournage. Au son, en fiction, nous sommes souvent deux ou trois. Chaque projet est différent, chaque film a des besoins spécifiques, et il faudra discuter, argumenter pour définir une équipe raisonnable en fonction du film et des nouvelles pratiques.
Cependant, pour prendre toutes les précautions évoquées précédemment, en tournage de fiction « classique » il faudra être, au strict minimum, deux personnes. Et souvent l'ingénieur.e du son pourra se déporter dans une pièce adjacente pour limiter la densité de personnes à la face.
En conclusion
Les équipes de cinéma ont l'habitude de s'adapter à des conditions de travail difficiles, voire dangereuses, de respecter des normes de sécurité liées à la spécificité d'un lieu ou d'une situation. Citons pour exemple les tournages de scènes de cascade, les tournages en mer, en haute-montagne, dans la jungle, dans les musées au milieu d'oeuvres uniques, dans les hôpitaux, etc. J'ai donc toute confiance en notre capacité à nous adapter. Cela va forcément compliquer la donne, mais je ne suis pas sûr que nous ayons le choix. Pour trouver le bon compromis entre les risques et la possibilité de travailler correctement, il me semble que la réflexion à propos des méthodes de travail dans ces nouvelles conditions devra être collective et concertée.
Texte écrit par François Boudet, ingénieur du son, mis à jour le 20/04/2020
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