Dans les coulisses de la bande son du film 5ème Set de Quentin Reynaud
Pour célébrer le lancement du blog de VDB AUDIO, nous sommes fiers de publier "Dans les coulisses de la bande son du film « 5ème Set » de Quentin Reynaud !
En discutant avec Stéphane Gessat d'Abysses, chef opérateur son sur le film, nous avons été intrigués par ce projet un peu atypique qui a nécessité un vrai travail collaboratif. Curieux d’en savoir plus, l'équipe a accepté de relever le défi de partager le récit de ce travail. Cela donne un article passionnant, combinant à la fois un regard complet sur la conception de la bande sonore d'un film et le récit détaillé du travail de chacun à chaque étape de sa création.
Synopsis
À presque 38 ans, Thomas est un tennisman qui n’a jamais brillé́. Pourtant, il y a 17 ans, il était l’un des plus grands espoirs du tennis. Mais une défaite en demi-finale l’a traumatisé et depuis, il est resté dans les profondeurs du classement. Aujourd’hui, il se prépare à ce qui devrait être son dernier tournoi. Mais il refuse d’abdiquer. Subitement enivré par un désir de sauver son honneur, il se lance dans un combat homérique improbable au résultat incertain…
Equipe Son et Sommaire
1 – La prise de son par le Chef opérateur du son Stéphane GESSAT
2 – Montage des directs par le Monteur son Philippe FONTAINE
3 – Montage son par le Monteur son Axel STEICHEN
4 – Mixage par le Mixeur Fabien DEVILLERS
5 – La musique par la Compositrice Delphine MALAUSSENA
1 – La prise de son – Chef opérateur du son Stéphane GESSAT
Assistant son : Maxime GIRARD, 2nde Assistante son stagiaire : Adèle LE GOFF
L’équipe de tournage de 5ème set sur le court 14 de Roland Garros - Marie-Camille Orlando - Photographe plateau
Avant tout, quelle est pour toi la place de l’ingénieur du son sur un tournage ?
Selon moi une prise de son réussie consiste à capter la charge émotionnelle d’un film présente sur un tournage en adéquation avec les désirs du réalisateur/trice et les enjeux du film. Nous autres techniciens et techniciennes sommes un peu des traducteurs. A la lecture d’un scénario puis selon les envies de mise en scène nous mettons en place des dispositifs différents afin d’aller chercher les sons justes au plus près de l’histoire, des personnages et de l’émotion.
Le son sur un tournage c’est avant tout des voix, celles des acteurs et des actrices qui est la matière précieuse du son direct. La performance qu’ils réalisent pour donner vie aux personnages et permettre aux spectateurs de s’immerger dans leur psychologie est infiniment subtile. Chaque jour de tournage est différent, chaque prise, chaque mot jusqu’aux respirations et aux silences. L’énergie du tournage, l’état émotionnel des comédiens, les indications que les réalisateurs leur soufflent quelques secondes avant une prise créent à chaque instant des moments uniques de jeu que nous sommes en charge de capter le plus fidèlement possible. Il y a la qualité technique bien sûr qui doit être optimale et permettre la meilleur compréhension du texte possible, mais aussi le respect de la charge émotionnelle et la justesse du jeu. Quelques fois la prise la plus juste est celle où le ton est différent, la voix éraillée, où une voiture passe à ce moment-là mais si l’émotion est là alors c’est très certainement la bonne prise et il faut savoir la repérer. Réussir à positionner ce curseur est un enjeu permanent qui nécessite d’infimes concessions.
Au-delà de l’enregistrement des voix, il y a aussi l’ensemble des sons liés aux décors et aux actions que l’ingénieur du son doit capter. Ce sont des ambiances riches et des sons précis aux tonalités et couleurs différentes qui viennent complexifier la bande son et apporter d’autres niveaux de perception au spectateur. Il s’agit d’identifier et capturer les éléments nécessaires à la restitution d’un décor (un environnement urbain, naturel, chargé, réverbérant, glacial, humide…). Mais aussi des sons particuliers qui viendront préciser un détail, souligner un trait de caractère ou apporter plus de subtilité à la bande son.
Par exemple le léger cliquetis d’un stylo agité par un personnage stressé, ou bien le son particulier des feuilles de cet arbre en arrière-plan bercées par le vent et qui raccorde avec la scène et viennent ancrer les personnages dans le décor. Chacun de ces sons peut évoquer un sentiment, une émotion différente et venir enrichir la palette du film.
Une grande partie de cette matière provient du tournage et des ambiances authentiques que nous décidons d’enregistrer afin qu’elles collent avec l’énergie du film scènes après scènes.
Quels ont été les enjeux particuliers du film 5ème Set ?
Sur 5ème Set le décor particulier des cours de Tennis était un gros Challenge. Roland Garros était un personnage à part entière et il a fallu lui donner vie.
Le Tennis est un sport suivi par des milliers de personnes via le petit écran. Nous en avons tous une perception très codée par les retransmissions TV et l’un des enjeux principaux au tournage était pour moi de coller le plus fidèlement à cette sensation. Les cris des joueurs dans l’acoustique du stade, les frappes de balles et réactions des arbitres jusqu’à l’omniprésence des spectateurs au diapason avec l’énergie sur le terrain. Tout ceci répond à des codes qu’il fallait intégrer dans la grammaire de ce film.
Vient ensuite la dimension cinématographique qui nous immerge dans l’esprit combatif de Thomas Edison. Elle permet de sortir du réalisme du terrain et d’aller au plus près du personnage, de ses émotions et de ses doutes. Cela laisse une grande place à la création via des points d’écoute subjectifs. Le point de vue tout comme en littérature, qu’il soit omniscient, subjectif ou extérieur impose une esthétique sonore totalement différente afin de faire naviguer les spectateurs d’une sphère à une autre.
Pour que les séquences de Tennis soient réalistes il a fallu mettre en place un dispositif technique assez imposant par rapport à un tournage plus classique. Je me suis inspiré des véritables prises de son utilisés pour les captations TV depuis plusieurs années à Roland Garros. À savoir un panel d’une dizaine de micros répartis sur tout le terrain pour couvrir zone par zone les frappes, les cris et les pas sur la terre battue. À cela s’ajoute plusieurs prises de son en multicanal pour créer en postproduction un 5.1 immersif. Et puis la perche qui donne sa focale sonore au plan et permet d’être au plus près du jeu, des frappes et des émotions.
Dans la bande son il y a le « IN » de tout ce qui apparaît à l’image mais il y a aussi le « OFF » que nous ne voyons pas mais que le son fait exister. Les allées bondées de Roland Garros, les Matchs sur les cours adjacents… Il fallait que l’on ait réellement l’impression qu’il y a 2000 spectateurs sur ce mythique « court 14 » alors qu’il n’y avait en réalité que 50, 200 ou 600 figurants selon les plans et les journées de tournage. Recréer l’impression de réalité d’un lieu comme celui-ci avec l’énergie nécessaire pour embarquer les spectateurs dans la dramaturgie du film était un challenge passionnant tout au long du tournage.
Les semaines passées à Roland Garros et surtout sur les courts ont été extrêmement techniques. Quentin Reynaud le réalisateur a un excellent niveau de Tennis. C’est un grand passionné qui connaît toutes les subtilités de jeu d’un joueur du niveau de Thomas Edison. Il a été très exigent avec le réalisme du match, la puissance des frappes et la progression du jeu. La difficulté principale a été le découpage complexe des séquences dont chaque point et chaque coup étaient scénarisés. Les matchs ont été tourné par axes sur plusieurs jours. Dans ce cas il faut faire bouger toute la figuration à chaque changement d’axe de caméra. Il y avait aussi les plans larges avec la doublure et ceux en plan serré sur Alex Lutz. Les plans avec VFX pour incruster le visage d’Alex sur les déplacements techniques de la doublure et les points de vue de Thomas Edison. En résumé un travail de découpage de la mise en scène, du chef opérateur et de la figuration qui a été un casse-tête gigantesque afin de conserver la cohérence des phases de jeu mais qui donne tout son réalisme à ces séquences en immersion totale sur le terrain.
À noter également le travail extrêmement précis et immersif de Vincent Mathias le chef opérateur du film qui a filmé au plus près les échanges en plongeant littéralement physiquement dans l’axe des balles. Cela apporte une puissance de jeu impressionnante et il a fallu aller chercher des sons précis et percutants afin de soutenir cette dynamique.
Les membres de l’équipe travaillant dans l’axe des échanges étaient d’ailleurs équipés de protections et casques de Hockey pour éviter les coups.
Quelle a été la place du public dans la prise de son ?
Le son au cinéma apporte la sensation de continuité. Alors que chacun de ces plans ont été tourné à des instants voire des jours différents, c’est la matière sonore qui nous donne la continuité avec les ambiances et notamment par l’omniprésence des spectateurs. Lorsque vous regardez un match de tennis, le public est au diapason avec les joueurs. Ce qui marque sur un court c’est cette dynamique entre les silences chargés et l’éruption du public qui exulte. Il y a aussi les encouragements, et les applaudissements qui sont différents à chaque instant du match et empreints d’un profond respect pour la concentration des joueurs. Cette masse de spectateurs prend vie et procure une énergie immense, presque palpable qui soutient la tension des matchs et qu’il a fallu recréer.
Comment donner l’impression du nombre de spectateurs? Y avait-il réellement 2000 figurants sur le court 14 ?
Il s’agit d’une question cruciale du film et à poser également à Axel Steichen et Fabien Devillers, respectivement monteur son et mixeur du film.
Nous avons fait le choix de faire « vivre » réellement la figuration autant que possible, et de multiplier les points de captation. Les figurants ont été briefés en amont pour réagir le plus fidèlement possible comme de véritables spectateurs aguerris et passionnés. C’est ensuite la multiplication des prises sur des valeurs serrées et plus larges qui additionnées créent cette sensation de masse. Il y avait toujours une captation en 5.0 dédiée aux spectateurs au centre du terrain.
Nous avons également placé des micros en immersion dans les gradins qui donnaient des points plus précis d’applaudissements et de réactions. Nous avons même laissé tourner plusieurs heures des enregistreurs au milieu des spectateurs afin de capter des moments plus réalistes de discussions et d’échanges. Un même match sur plusieurs axes avec plusieurs prises par axe permet ainsi de créer un volume suffisant de matière pour le montage son.
Nous avons également réalisé durant les journées avec 600 figurants de longues ambiances en multicanal avec des énergies très différentes qui ont permis de servir de banque de son précieuse pour le film.J’ai laissé à Maxime mon perchman le soin de guider par gestes l’ensemble de la figuration pour ces enregistrements afin d’avoir une continuité entre les silences, les applaudissements légers, nourris, les moments d’exultation ou les silences sous tension. Maxime a aussi une casquette de chef d’orchestre dans la vie ce qui a été un atout indéniable pour diriger avec précision une masse de 600 spectateurs déchainés sous le soleil de plomb de Roland Garros.
Comment le son a-t-il contribué à crédibiliser le niveau de jeu professionnel de Thomas Edison ?
Alex Lutz a réalisé une performance impressionnante sur ce film. L’énergie qu’il a déployée pour donner vie à ce personnage se ressent intensément à l’image et au son. Il a également apporté une profondeur et une noirceur au personnage subtilement souligné par les musiques de Delphine Malaussena.
En ce qui concerne les matchs, il est impossible pour un comédien d’atteindre un tel niveau sportif en seulement quelques mois. Le physique et les réflexes d’un joueur professionnel sont façonnés par des années de pratique. Le challenge pour Quentin Reynaud était avant tout de faire qu’Alex Lutz soit parfaitement crédible entre chaque phase de jeu pour donner vie à Thomas Edison. Il a fallu près de quatre mois d’entrainement à Alex pour donner l’illusion d’une vie passée sur les courts de Tennis.
Concernant le son à proprement parler, un joueur de haut niveau produit une série de sons typiques et très précis, qui retranscrivent à l’écran toute la puissance des frappes et des échanges. Frédéric Petitjean joueur professionnel et classé était la doublure officielle d’Alex Lutz sur le terrain. Il a performé l’intégralité des jeux sur les courts de tennis, l’ensemble des sons de frappes et déplacements de jeux sont donc les siens. Mais toutes les performances émotionnelles sont attribuées à Alex. Il s’est donc assez vite posé la question de comment « matcher » ces deux performances qui donnent vie au sportif dehaut niveau incarné par Alex Lutz.
En effet la signature sonore d’un joueur de tennis tient surtout dans ce cri très puissant qu’il émet à chaque frappe et qui témoigne de l’énergie des échanges. Tous les plus grands joueurs ont ce cri distinctif très reconnaissable. Même pour un comédien très largement entrainé il serait impossible de lui faire produire avec autant de crédibilité des cris pareil sur l’ensemble des matchs et avec toutes les nuances qu’ils comportent.
Il y a donc eu un très gros travail de montage son pour mélanger et harmoniser ceux produits par Frédéric Petitjean dans les phases de jeu et ceux où Alex est à l’écran habité par la rage de vaincre.
Rentrons un peu plus précisément dans la technique pour les adeptes. Quel était ton dispositif technique à Roland Garros?
L’installation technique est inspirée des captations réellement utilisées à Roland Garros depuis des années. J’ai souhaité m’en rapprocher le plus possible afin de coller à la perception sonore de ces retransmissions TV.
Pour couvrir une surface de la taille d’un cours il fallait au minimum 8 micros, ce qui est très gourmand en pistes si l’on veut les garder sur des pistes séparées et laisser de la latitude en post production.
La vitesse des frappes nécessite un tel dispositif si l’on veut garantir la précision sonore de chacun de ces échanges. Le terrain est donc quadrillé par zones avec 3 micros de chaque côté et un couple au centre pour couvrir les zones de services.
Ces micros étaient tous des semi-canons Schoeps Cmit tout comme ceux utilisés à Roland Garros. Cette directivité permet de gagner en précision sur les frappes et déplacements et de réduire également l’environnement urbain de ces cours en plein Paris entourés de 2 grands axes routiers.
A cette prise de son sur le terrain, s’ajoute une prise de son plus large afin de capter les réactions des spectateurs, l’environnement urbain et donner un peu « d’air » aux micros sur le terrain.
Plus concrètement ...
Retrouvez la publication complète de cet article sur le blog de VDB AUDIO.
REMERCIEMENTS
Un immense merci à toute l’équipe, Delphine Malausséna, Stéphane Gessat, Philippe Fontaine, Axel Steichen, Fabien Devillers pour leur adhésion et investissement dans ce projet d’article. Nous sommes tellement fiers de pouvoir inaugurer ce blog dont nous rêvions depuis si longtemps avec ce magnifique récit. Merci pour leur patience et confiance.
Triste nouvelle
C'est avec une grande tristesse que nous venons d'apprendre le décès de notre ancien...
Nostalgie et grand chambardement
Dans Jour de fête, Tati avait eu l'intuition géniale et visionnaire qu'une guerre allait se...
Récepteur numérique multicanal Sound Devices A20-Nexus
Nous avons récemment monté une configuration HF avec le nouveau bloc de réception A20-Nexus de...
TX Advance...
TX advance rejoint nos partenaires pour 2022. Il s'agit d'une application Android très efficace...
DSR4 Lectrosonics , récepteur 4 canaux numérique, en immersion complète
Vidéo de présentation:https://youtu.be/O35B8my7wMc
La diagonale du vide : de la décentralisation à l'écologie
Des Ardennes au Pays Basque, une diagonale qui s'étire sur 1500 kilomètres traverse les...