Jean Nény - Mixeur
Jean Nény Mixeur et inventeur de nombreux procédés électromécaniques pour le cinéma.
Période d’activité : 1953 / 1984
Petit résumé de son parcours
Ecole centrale des techniciens de l’électronique. Sort en 1943
Débute à la Métro-Goldwin-Meyer pour les versions françaises
Entre à la SIMO (Société Intercontinentale de Machines Optifone) comme ingénieur de maintenance et mixeur.
Filmographie
D’après les carnets de notes confiés par les filles de Jean Nény (Michelle et Patricia), il aurait mixé plus de 490 films (Voir filmographie complète en joint)
Ses inventions :
- La marche arrière synchrone sur les machines 35 mm et le projecteur
- La vitesse accélérée en avant et en arrière
- La mise en enregistrement communément appelée « Polar»
- La pédale au pied pour mettre en enregistrement
- Création et mise au point de machines 35 mm pour auditorium
- Le décaleur qui permet d’avancer ou reculer le son d’une machine par rapport aux autres (février 1960)
- La boite de vitesse qui accélère ou ralenti une machine par rapport aux autres
- Vu mètres projetés a l’écran
- Invention de la rythmo (Brevet avril 1959)
- Pré image. Petite image projetée en avance pour appréhender les changements de plan (Brevet février 1968)
- Chenilles : Lignes lumineuses qui permettent de « voir » arriver les sons.
- Procédé de doublage sur le tournage (Brevet février 1964)
Jean Nény obtenu le César d’honneur en 1982 pour l’ensemble de son œuvre
Vous retrouverez tous ces sujets en visionnant les entretiens réalisée en 1997.
Qui, mieux que ses collaborateurs proches, peuvent parler de Jean Nény et de son génie créatif
Visionner les interviews des réalisateurs
Visionner les interviews des techniciens
Texte de Robert ENRICO en hommage à Jean Nény (1985)
C’est à la fois un grand honneur d'avoir à vous parler de lui, et à la fois difficile de ne pas trahir ce qu' il était vraiment.
Philippe DORMOY, président de la Fédération des Industries Techniques du Cinéma m'écrivait il y a quelques jours :
"Toute la profession est émue.. Jean NENY , aimable et gentil par nature , nous a tellement apporté. C'était un " Monsieur"."
Oui , c'est ça , un vrai gentleman du son, un homme vrai, ouvert et pourtant tellement secret, sans doute par grande humilité.
Jean NENY est né le 22 Décembre 1921, à Colombes. Fils de petits commerçants en chaussures, il se passionne pour les maths, la science et la technique.
A 14 ans , en bricolant, il fabrique son premier poste à galène , l'ancêtre de la radio. Très vite , il entre dans cette école qu'on appelait familièrement l'école de la rue de la Lune, devenue aujourd'hui "L'Ecole Centrale de l'électronique ". En ce temps-là, il s'agissait de T.S.F. et de radio. Il en sort ingénieur en 1943.. De cette école d'avant-garde , Jean NENY en avait gardé le gout de la recherche. Il va devenir le premier ingénieur du son à introduire l'électronique dans l'enregistrement sonore.
Après la guerre , abandonnant la recherche, NENY débute à la Metro , dans les studios parisiens de la fameuse M.G.M. où il s'occupe de post-synchronisation de films, de doublage. C'est sans doute là qu’il a appris à si bien moduler les voix de doublage pour leur apporter une qualité de son direct.
Au bout de cinq ans , gagné par la monotonie, il entre à la S.I.M.O. aux studios de Boulogne. Là, il va oublier la technique pure pour se mêler aux problèmes artistiques de la réalisation sonore. Il va se consacrer au mixage. Il fait sienne la devise de la MGM :"ARS GRATIA ARTIS "
En ce temps-là , le mixage était pour les ingénieurs du son un travail très éprouvant, nerveusement,. puisqu'il fallait enregistrer dix minutes ininterrompues en son optique. Avec l'avènement du magnétique tous les espoirs sont permis.
NENY, ingénieux , astucieux ,va innover. Il crée , il invente toute une série de perfectionnements techniques. Entre autres:
- La marche avant et marche arrière automatique et synchrone de toutes les bandes sonores.
- son corollaire : la reprise de polar, de l'enregistrement après coupure, sans parasite sonore.
- les indicateurs lumineux et synchrones de prélecture des sons : les fameuses chenilles colorées qui se déroulent sous l'écran , et qui annoncent au mixeur musique , paroles , bruits , effets sonores.
- le décaleur qui permet de corriger une faute de synchronisme ou de déplacer un son à l'audi.
- la vitesse accélérée en avant eu an arrière
- la prélecture imagé, système de projection anticipée de 2/3 de seconde par rapport à la même image sur laquelle on travaille, pour aider la précision du réflexe du mixeur.
- un système de vitesse démultipliée accélérant ou ralentissant une machine de 1, 2, 3,4 images/seconde ou plus pour compresser ou rallonger un son , une musique.
Cela permets de corriger par exemple un désynchronisme de play-back.
Aujourd'hui presque toutes ces innovations ont été reprises dans l'ensemble des auditoriums français ,et aussi à l'étranger.
Combien de fois ne l'a-t-on pas sollicites pour aller aux Etats-Unis , à Moscou à Tokyo , exécuter sa technique brillante.
Aujourd'hui tous ces perfectionnements techniques favorisent l'exécution des mixages de plus en plus complexes que sont devenues les bandes sonores de film.
Par modestie , mais avec son sourire toujours teinté d' humour, Jean NENY disait de ses inventions qu’elles n'étaient là que pour satisfaire sa paresse naturelle - lui qui n'avait jamais pris le temps de vivre.
"Il n'avait fait due chercher des trucs pour se simplifier la vie dans son travail ". En fait, il offrait aux monteurs , aux réalisateurs un magnifique jouet , un magnifique instrument qui, manipulé avec sa dextérité, son talent, sa fine oreille , autorisait toutes les folies créatrices.
Et, chose exceptionnelle dans ce métier de gens nerveux Nény , seul maître à bord devant sa console digne de la Guerre des Etoiles , rassurait en plus ceux qui doutaient. Et quel est le monteur le réalisateur , le producteur qui au stade du mixage n1 a pas de doutes ?
C'est comme ça que j'ai connu jean, il y a 23 ans.
Jeune ,cinéaste, j'étais fier que Monsieur Nény ait accepté de mixer mon premier film , un court-métrage , "La Rivière du hibou ", lui , le mixeur que les plus grands noms du cinéma s'arrachaient.
Je me souviens, le film l 'avait réellement ému, et pour me rassurer , il m'avait demandé avec la discrétion qui le caractérisait, s'il pouvait le montrer à sa femme et ses filles , pendant le repiquage optique le soir même. C’est donc qu’il y croyait. Et ça m’avait rassuré, vraiment.
C’était aussi sa générosité sa manière de faire participer ceux qu'il aimait le plus , les siens ,à son travail , à son métier, en leur faisant partager ses émotions.
Le grand auditorium de Boulogne était ainsi devenu à la fois le prototype et le temple cinématographique du son. Nény l'appelait son "cheval de bataille". Il y a quatre ans , un incendie des studios le détruisait.
Alors patiemment , mais avec acharnement . il a insufflé sa foi à ses Collaborateurs, et mois après mois , renaissait de ses cendres un nouvel auditorium, le plus vaste d' Europe , le meilleur de Paris, Jean y a épuisé ses dernières forces. Il venait juste de le terminer. C'est son dernier cadeau au cinéma , juste avant de mous quitter.
Son dernier rêve - et il en parlait souvent - c'était de mixer en quadriphonie , stéréo plus le son frontal et le son dorsal, avec six pistes magnétiques , le film tourné pour un écran semi-sphérique de la Géode géante du nouveau Musée des Arts et Techniques de a Villette. Car là encore , il eut fallu innover pour aller toujours plus loin dans le relief sonore.
Plus de sept cent films français ou étrangers portent sa signature à la réalisation du son et parmi eux beaucoup de chef-d’œuvre .L'un des derniers , "Polar" de Jacques Bral vient d'être couronner dans un festival pour la qualité exceptionnelle de la bande sonore.
Nombreux sont les cinéastes de renom qui ont fait appel à son talent : Welles ,Clément, Zannuck, Tati , Melville, Resnais Polanski, Opûls ,Sautet , Delon , De Broca, Deray, Schoendoerffer, et bien d'autres.
En 1982, toute la profession réunie à l'Académie des Arts et Techniques du cinéma, lui rendait un hommage tout particulier , en lui remettant un CESAR d'Honneur pour sa contribution à la qualité artistique du cinéma français.
En quarante ans de cinéma - lui demandait récemment une journaliste - pas de lassitude ?
"Non" disait Jean de son métier. ," toujours aussi fabuleux et diversifié. Si c'était à refaire , je recommence ".
Car derrière la t:chnique, il y avait l'Homme, l'artiste sensible. Il répétait non sans humour une phrase qu'il avait entendu dire 4. une séance de mixage : le cinéma, c'est parfois...de l'art "- Il se réjouissait de ses rapports humains avec de gens qu'il trouvait toujours "formidables" qu'ils soient artistes, metteurs en scène, techniciens ou producteurs.
" Dans ce métier , disait NENY les hommes aussi sont intéressants. Le climat de travail provoque tout un processus de réactions, C'est extraordinaire» «On y voit toute la gamme des caractères , du super-farfelu au monsieur sérieux.. Ici, dans l'audi les gens se libèrent plus facilement...
Trouvez-moi un autre milieu professionnel , avec un tel brassage et une telle ouverture...
Travailler avec Max Ophuls Tati ou Melville , quel ,beau spectacle. Pas uniquement sur l'écran.
Non. On le vivait aussi autour de la console."
Sans doute avait-il la nostalgie de la grande époque du cinéma français, Orson Welles l'avait affectueusement surnommé "le Paganini du mixage ". C'est vrai que de ses mains fines , agiles, racées, , jouaient avec les lignes flexibles des sons comme on joue d'un instrument à corde, et orchestrait tous ces décibels qui planent dans la tête des spectateurs , encore longtemps après que les lumières se soient rallumées ".
Et puis , il y avait l'homme secret , le NENY que l'on connait moins.
Celui qui, insatiable , dans son petit bureau , devant son ordinateur , cherchait et cherchait toujours.
Celui qui s'était fabriqué un des premiers orgues élec¬troniques sur lequel il aimait pianoter les airs de jazz de sa jeunasse.
Celui qui avait mis au point un mini-ordinateur , qui à partir d'une seule phrase musicale pouvait durant des heures fabriquer de la musique sérielle sans jamais se répéter.
Celui qui, à sa campagne , sur son barbecue faisait cuire ses gigots à perfection , moitié mouvement I moitié arrêt, parce que son tournebroche était monté sur « croix de Malte " comme un projecteur de cinéma.
Celui , qui avec son tour à métaux , son tour à bois , à partir de morceaux de métal informes , de buches de bois d'essence rare, façonnait de ses mains des horloges les unes plus étonnantes que les autres pour le plaisir de créer.
Adieu Jean Nény, « bricoleur " de génie par « paresse ».
Chaque fois que nous mixerons , vous serez avec nous, avec vos machines avec vos chenilles lumineuses qui brillent comme autant d'étoiles qui donnent un air de fête à la finition de nos films.
Robert ENRICO
Merci à Patricia Nény pour son autorisation à cette publication
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